La réforme du système de santé et le projet de loi no 10 : une première étape, des premiers remous…

1 janvier 2014

À la fin du mois d'octobre a débuté la commission parlementaire portant sur le projet de loi no 10 présenté par l'actuel ministre de la Santé et des Services sociaux, M. Gaétan Barrette. Au total, plus d'une soixantaine d'intervenants y ont pris parole et ont dressé, pour la plupart, des craintes concernant la lourdeur de la nouvelle structure bureaucratique proposée et son effet sur l'accessibilité et la qualité des soins dispensés.

La réforme entreprise par le ministre Barrette se fera en plusieurs étapes successives, l'abolition des agences de santé en étant la première. Viendront ensuite la réforme du mode de financement du système et la réforme de l'organisation des soins en fonction du patient. C'est donc dire que les prochains mois, voire les prochaines années, amèneront leur lot de changements, mais également d'espoir, de crainte et d'appréhension sur le développement de notre système de santé et de services sociaux.

BREF RETOUR SUR LE CŒUR DU PROJET DE LOI No 10

La mesure centrale de ce projet de loi est certainement la fusion des divers établissements de santé au sein d'une nouvelle « méga »-entité : les centres intégrés de santé et de services sociaux (CISSS). Le projet de loi no 10 prévoit l'élimination des agences de santé et de services sociaux (ASSS) dont les pouvoirs seront transférés, d'une part au ministre et d'autre part aux nouveaux CISSS. On passera ainsi de 108 établissements de santé à 28 CISSS et organismes suprarégionaux. Le contraste initial est saisissant et les craintes de centralisation au sein de mégastructures sont généralement partagées. Toutefois, aucun groupe n'a dénoncé spécifiquement l'abolition des agences comme étant le fond du problème.

On comptera désormais un CISSS par région à l'exception de l'île de Montréal qui en comptera quatre. On reconnaît également quatre instituts suprarégionaux qui sont des établissements spécialisés. Ces établissements sont le Centre hospitalier de l'Université de Montréal, le Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, le Centre universitaire de santé McGill et l'Institut de Cardiologie de Montréal. Au cours de la commission parlementaire, il a notamment été question d'élargir cette exception au Centre hospitalier universitaire de Québec (CHUQ) et au Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke (CHUS) afin que soient reconnues leurs positions particulières dans l'organisation des soins et services offerts à leur population respective.

Une mesure importante concerne le remaniement au niveau des conseils d'administration (CA). Il y aura maintenant un seul CA par région et il sera présent au niveau du CISSS régional. Le CA sera composé de cinq membres provenant de diverses instances du CISSS et de sept ou huit membres indépendants. La caractéristique particulière de cette modification est que la majorité de ces membres sera nommée par le ministre à partir de listes de noms qui lui sont soumises. Donc, dorénavant, c'est le ministre qui aura le dernier mot, ce qui pousse certains à remettre en question la neutralité et l'indépendance des conseils d'administration à l'égard du politique.

POSITIONNEMENT DE L'AQRP

Le dépôt du projet de loi no 10 n'est pas une fin en soi, mais plutôt un outil de départ, puisque la réforme globale du ministre Barrette doit également prendre en compte d'autres variables, telles que le mode de financement des soins et services dispensés ainsi que le mode de prestations des soins « axés sur le patient ». Il constitue une base qui, au-delà des appréhensions actuelles, reste toujours hypothétique quant à ses effets, impacts et conséquences concrets sur le terrain.

Pour cette raison, le positionnement de l'AQRP dans ce dossier est marqué par la prudence dans la mesure où la question de la réorganisation de l'administration du réseau, et ce, même si cela suggère une période de transition difficile susceptible de mettre au défi la qualité et la proximité des soins, n'implique pas automatiquement une atteinte aux droits des usagers. De plus, le peu de temps accordé aux intervenants pour préparer un argumentaire détaillé, dénoncé à maintes reprises au cours de la commission par diverses organisations et dont plusieurs se sont désistées, a poussé l'AQRP à limiter ses interventions pour le moment.

Toutefois, de grandes lignes se forment pour la suite de la réforme projetée, entre autres :

• le possible manque de fluidité de l'organisation et de la prestation de soins;
• l'impression de lourdeur bureaucratique susceptible de dépersonnaliser davantage la prestation de soins et le régime de plaintes qui y est rattaché;
• la perte d'influence des citoyens et des usagers dans le processus décisionnel;
• la possible modulation ou la hausse de tarification pour certains services traditionnellement couverts par la RAMQ, notamment pour assurer de meilleures entrées financières dans le réseau;
• la possible accentuation du rôle du secteur privé par l'augmentation du nombre de partenariats dans la prestation de soins et l'offre de services;
• l'absence de plan de financement pour remédier aux listes d'attente dans les secteurs clés qui touchent les personnes aînées : hébergement institutionnel, soins à domicile, proches aidants, soins palliatifs.

Puisque la question de la défense des droits doit prioritairement s'ancrer dans la réalité des usagers, plutôt que dans les querelles administratives au sens propre, il sera plus constructif d'intervenir en amont lorsque la situation et les conséquences pratiques de cette réforme sur le mode de financement et la prestation de soins directs au patient seront davantage documentées.

La commission parlementaire qui vient de se terminer a précisément permis de recueillir une panoplie de témoignages provenant d'organisations de travailleurs, de cadres et d'ordres professionnels directement liés au réseau. En prévision de la suite de cette réforme, il sera donc important de bien peser la portée et les limites des arguments présentés afin de mieux orienter nos interventions futures sur la question de la gestion, du mode de financement, de même que sur la proximité et sur l'accès à des soins de qualité.

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