Commentaires de l'aqrp sur le projet de loi 75

10 février 2016

Québec, le 10 février 2016

 

Mme Catherine Durepos
Secrétaire
Commission de l'économie et du travail
1045 rue des Parlementaires
Québec (Québec) G1A 1A4

À l'attention des membres de la Commission de l'économie et du travail,

Dans le cadre de l'étude par la Commission de l'économie et du travail du projet de loi 75, Loi sur la restructuration des régimes de retraite à prestations déterminées du secteur universitaire et modifiant diverses dispositions législatives, l'Association québécoise des retraité(e)s des secteurs public et parapublic (AQRP) a souhaité faire quelques commentaires.

Nouvelles ruptures de contrats

Force est de constater, qu'encore une fois, le gouvernement a l'intention de changer les règles du jeu en modifiant le corpus législatif québécois pour permettre la rupture de contrats dûment signés de gré à gré liant des employés (incluant les ex-syndiqués maintenant à la retraite) et les dirigeants des universités québécoises, ce qui est inacceptable dans une société de droit où les entités et les individus doivent tenir leurs engagements contractuels. À ce sujet, l'AQRP conteste présentement devant les tribunaux la légalité de la loi 15 (anciennement projet de loi 3), Loi favorisant la santé financière et la pérennité des régimes de retraite à prestations déterminées du secteur municipal.

Compenser les compressions dans les universités

Au-delà des débats partisans et des intérêts corporatistes, il est établi que les gouvernements successifs ont continuellement réduit les subventions aux universités au cours des années, ce qui fait en sorte que la situation financière de plusieurs institutions s'est précarisée. Dans ce contexte, le projet de loi 75 arrive à point nommé pour certaines universités. En ce sens, l'AQRP comprend que le gouvernement « finance » ses coupures à même les retraites de ses anciens employés. Il applique ainsi la même formule que pour les municipalités alors qu'il a compensé pour les coupes dans le pacte fiscal avec la loi 15.

Une entente préalable qui exclut les retraités

Lors d'une conférence de presse pour présenter le projet de loi 75 à l'Assemblée nationale le 11 novembre dernier, l'ancien ministre du Travail, de l'Emploi et de la Solidarité sociale, Sam Hamad, a affirmé à plusieurs reprises qu'il y avait « entente de principe entre les parties » et qu'il n'y avait « pas de controverse, tout le monde est d'accord avec ça ».

Deux observations à ce sujet :

  1. Comment peut-on sérieusement prétendre avoir effectué une démarche complète et légitime avant de présenter le projet de loi 75 alors qu'il appert que l'on a exclu les associations représentant les retraités du réseau universitaire des négociations qui ont précédé sa présentation à l'Assemblée nationale ?
  2. Comme les retraités, les syndicats des employés des universités ont constaté que le gouvernement n'a pas hésité à forcer le jeu pour l'adoption du projet de loi 3, Loi favorisant la santé financière et la pérennité des régimes de retraite à prestations déterminées du secteur municipal. Personne ne peut donc se féliciter que les syndicats aient accepté de discuter avec les parties patronales. Il n'y a pas matière à se « péter les bretelles ». Quant à savoir si une entente est véritablement survenue, les parties ne semblent pas avoir le même point de vue à ce sujet.

Les rentes ne sont pas protégées

Toujours lors de la conférence de presse du 11 novembre, l'actuaire en chef de la Régie des rentes du Québec (maintenant Retraite Québec), M. Michel Montour, a affirmé que les rentes des retraités des universités sont « protégées ». Mais, du même souffle, il ajoute qu'on « pourrait enlever l'indexation future ». Il va sans dire qu'il s'agit d'une déclaration pour le moins contradictoire. Pas nécessaire d'être un actuaire émérite pour comprendre que le gel d'une rente signifie une érosion constante de sa valeur réelle. Il est donc faux de dire que les rentes des retraités du réseau universitaire sont protégées. Nous espérons que l'ensemble des parlementaires qui participeront à l'étude de ce projet de loi, article par article, conviendront au moins de ce fait.

Les retraités veulent avoir leur mot à dire

Ainsi, à l'instar de la loi 15 (anciennement projet de loi 3), le projet de loi 75 ne prévoit pas de disposition permettant aux retraités de faire entendre leur voix. En précisant explicitement que les négociations à ce sujet ne regrouperont que les parties patronales et les représentants d'actifs, le gouvernement a sciemment choisi d'exclure une catégorie spécifique de participants, les personnes retraitées.

Pourquoi le législateur fait-il ce choix ? Ne réalise-t-il pas que les modifications qui seront négociées concernent les cotisants passés et non pas seulement les cotisants actuels ? D'ailleurs, en édictant que toute modification à la formule d'indexation devra concerner également les futurs retraités que les retraités actuels, le gouvernement ne démontre-t-il que les retraités des universités devraient avoir leur mot à dire ? Est-ce que leur avis a une quelconque valeur pour le gouvernement du Québec et pour les parlementaires de l'Assemblée nationale ? Si oui, comment expliquer la situation actuelle ? Pourquoi les aînés sont exclus encore une fois ?

Faire confiance aux retraités

Comme nous l'avions indiqué lors des consultations sur le projet de loi no 3, l'AQRP est parfaitement consciente des pressions financières auxquelles sont confrontés les régimes de retraite actuels, mais elle croit que cela ne justifie pas l'imposition de mesures financières rétroactives et ciblées qui ont pour effet de dresser les différents groupes d'âge les uns contre les autres. Les retraités de la fonction publique et parapublique du Québec, incluant ceux ayant œuvré dans les universités, sont des citoyens responsables qui comprennent les enjeux reliés aux régimes de retraite. Malheureusement, en les marginalisant dans ce dossier, le gouvernement et les dirigeants de nos universités envoient un signal contraire. On préfère les exclure, les mettre de côté.

Une solution proposée par l'AQRP

Nous espérons que les parlementaires seront sensibles aux points de vue des aînés qui seront exposés au cours de la consultation parlementaire et que le projet de loi 75 sera modifié en conséquence.

En ce sens, l'AQRP attire l'attention des parlementaires sur l'article 7 du projet de loi 79, Loi concernant la restructuration des régimes de retraite à prestations déterminées du secteur municipal et d'autres modifications à ces régimes, présenté lors de la 40e législature comportait la disposition suivante :

7. Les rentes consenties aux retraités ou aux bénéficiaires ne peuvent être réduites.
Il peut cependant être prévu que ces rentes ne sont pas indexées pendant une période ou que la formule d'indexation de celles-ci est modifiée. Toutefois, lorsqu'une évaluation actuarielle ultérieure détermine un excédent d'actifs dans le régime, cet excédent doit être affecté au rétablissement de l'indexation de ces rentes.
Aucun changement prévu au deuxième alinéa ne peut être apporté si, après consultation, 30 % ou plus des retraités ou bénéficiaires du régime s'y opposent.

Le troisième alinéa stipule que les retraités peuvent être consultés et, éventuellement, rejeter une modification à l'indexation de leur rente. Un mécanisme similaire existe déjà pour la gestion d'un excédent d'actifs dans l' « ancienne » Loi sur les régimes complémentaires de retraite à l'article 146.3.2.

146.3.2. À l'expiration des délais d'opposition, le comité de retraite procède au décompte des avis d'opposition exprimés respectivement par les membres du groupe des participants actifs et par ceux du groupe des participants non actifs et des bénéficiaires. Il informe immédiatement des résultats l'employeur concerné ainsi que chacun des participants et des bénéficiaires du régime.
Si 30% ou plus des membres d'un groupe visé au premier alinéa s'opposent à l'affectation projetée de l'excédent d'actif, il est présumé que l'exigence énoncée au premier alinéa de l'article 146.3 n'est pas respectée quant à ce groupe. Par contre, si moins de 30% des membres d'un tel groupe s'opposent à cette affectation, il est présumé que cette exigence est respectée quant au groupe concerné.

Ce procédé se retrouve également à l'article 146.5 de la présente Loi sur les régimes complémentaires de retraite qui a été modifiée tout récemment avec la sanction du projet de loi 57. Cet article n'équivaut toutefois pas à l'article 146.3.2 puisqu'il amalgame les retraités et les participants actifs.

«146.5. À l'expiration des délais d'opposition, le comité de retraite procède au décompte des avis d'opposition exprimés. Si 30 % ou plus des participants et bénéficiaires s'opposent à la modification projetée, celle-ci est réputée rejetée et ne peut intervenir. Le comité de retraite informe immédiatement des résultats l'employeur concerné et chacun des participants et des bénéficiaires du régime ainsi que celui qui a le pouvoir de modifier le régime.

À la lecture de ces articles de loi, on comprend qu'il n'existe aucun obstacle légal empêchant d'introduire dans le projet de loi 75 une disposition faisant en sorte que les retraités des universités puissent avoir leur mot à dire lorsque des changements sont apportés aux rentes versées par les régimes de retraite et que le corpus législatif québécois prévoit déjà un tel recours quant à la gestion d'un excédent d'actifs dans le secteur privé.

Pourquoi refuser de prendre en compte le point de vue des retraités, pourquoi les exclure? Nous espérons que monsieur le ministre répondra à cette question dans le cadre de l'étude article par article car, force est de constater, qu'il s'agit d'une décision éminemment politique.

L'AQRP fait donc la recommandation suivante :

Que les parlementaires amendent le projet de loi 75, Loi sur la restructuration des régimes de retraite à prestations déterminées du secteur universitaire et modifiant diverses dispositions législatives, afin d'y introduire des dispositions similaires à celles qui sont proposées à l'article 7 du projet de loi 79 de la 40e législature, Loi concernant la restructuration des régimes de retraite à prestations déterminées du secteur municipal et d'autres modifications à ces régimes.

Tout en souhaitant que monsieur le ministre ainsi que les membres de la Commission de l'économie et du travail accueilleront favorablement la recommandation de l'AQRP, je vous prie d'agréer, Mesdames et Messieurs, l'expression de mes sentiments distingués.

 

Donald Tremblay
Président de l'AQRP

Association québécoise des retraité(e)s
des secteurs public et parapublic
5400, boulevard des Galeries, bureau 111
Québec (Québec) G2K 2B4
Téléphone : 418 683-2288
presidence@aqrp.qc.ca

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